La gestion d’une entreprise requiert toute l’attention de son dirigeant. En devenant chef d’entreprise, ce dernier accepte en effet de supporter l’ensemble des risques pouvant entraîner l’engagement de sa responsabilité civile et pénale.
Pour mémoire, la responsabilité pénale est l’obligation de répondre des actes constituant une infraction et la responsabilité civile est l’obligation de réparer le dommage causé à autrui.
Les dirigeants sociaux peuvent engager leur responsabilité civile et / ou pénale lorsqu’ils commettent des fautes à l’occasion de la gestion de leur société, causant ainsi un dommage à la société qu’ils dirigent.
L’exposition au risque du dirigeant d’entreprise peut cependant être maîtrisée dès lors que les mécanismes engageant la responsabilité du dirigeant sont compris par ce dernier.
Quelle différence faire entre la responsabilité pénale et civile du dirigeant d’entreprise ? Comment la responsabilité du dirigeant peut-elle être engagée ?
Le point sur les causes de l’engagement des différentes responsabilités du chef d’entreprise.
La responsabilité civile du dirigeant
La responsabilité civile du dirigeant trouve sa source dans l’article 1843-5 du Code civil selon lequel “ Outre l’action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l’action sociale en responsabilité contre les gérants. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société.(…) ”
La responsabilité civile des dirigeants sociaux est engagée dans les mêmes conditions que la responsabilité des personnes physiques. Trois conditions sont en effet nécessaires :
- l’existence d’une faute
- le préjudice
- et le lien de causalité.
L’article 225-251 du Code de commerceprécise par ailleurs les causes de l’engagement de la responsabilité civile des dirigeants : “ Les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. (…). ”
En d’autres termes, la responsabilité des dirigeants sociaux à l’égard de la société est susceptible d’être engagée pour l’une des trois raisons alternatives suivantes :
- la violation des dispositions législatives ou réglementaires applicables à la société telle la violation des dispositions légales relatives à la présentation des comptes sociaux ;
- la violation d’une clause statutaire telle que celle relative au non-respect de la limitation des pouvoirs ;
- la commission d’une faute de gestion (faute d’imprudence, négligence ou manœuvres frauduleuses).
La responsabilité des dirigeants sociaux à l’égard de la société
Les dispositions de cet article énoncent qu’il est possible d’engager la responsabilité des dirigeants à l’égard de la société. Deux actions existent pour agir en indemnisation des préjudices :
- l’action “ ut universi ” : action de la société mise en œuvre par l’intermédiaire de ses dirigeants.
- l’action “ ut singuli ” : action des associés recherchant la responsabilité des dirigeants.
La responsabilité des dirigeants sociaux à l’égard des tiers
Le texte précité du Code de commerce instaure aussi une responsabilité des dirigeants à l’égard des tiers.
Aussi, dans beaucoup de situations, la société “ absorbe ” la responsabilité d’un dirigeant qui serait fautif, par conséquent, même s’il commet une faute, sa responsabilité n’est pas engagée.
Cependant la jurisprudence est venue tempérer cette situation considérant que “ la responsabilité personnelle d’un dirigeant à l’égard des tiers ne peut être retenue que s’il a commis une faute séparable de ses fonctions ” et “ il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales ”. (Cass. com., 20 mai 2003, Bull. IV, n° 84).
Il faut comprendre par cette jurisprudence que le dirigeant sera tenu personnellement responsable selon qu’il a agi dans le cadre de ses attributions auquel cas la faute commise entraîne la responsabilité de toute la société. En revanche, lorsqu’il a agi en dehors du cadre de ses fonctions, sa faute engage sa responsabilité personnelle car la faute est séparée de ses fonctions.
La responsabilité des dirigeants sociaux à l’égard des associés
La jurisprudence a instauré un devoir de loyauté entre associés de sorte que ces derniers puissent engager leur responsabilité s’il est avéré qu’une faute causant un préjudice à la société est commise en raison d’une atteinte à ce devoir de loyauté.
Quelles types de fautes peuvent mettre en cause la responsabilité civile du dirigeant ?
La responsabilité civile du dirigeant d’entreprise peut être mise en cause pour plusieurs types de fautes, parmi lesquelles :
- les fautes de gestion
- le non-respect des statuts, tel que l’accord préalable des associés pour certaines décisions
- le non-respect de la réglementation s’appliquant aux entreprises
- les infractions aux obligations fiscales
- concurrence déloyale à l’égard de sa propre société etc.
La responsabilité pénale du dirigeant
Au-delà de la responsabilité civile, les dirigeants peuvent aussi engager leur responsabilité pénale. En effet, la responsabilité pénale est applicable aux personnes morales, par l’intermédiaire des dirigeants et mandataires sociaux, qui les représentent.
Le dirigeant peut engager sa responsabilité pénale dans les conditions de droit commun du droit pénal. Autrement dit, il faut qu’une infraction soit qualifiée (avec l’intention d’accomplir un acte interdit).
Selon sa gravité, l’infraction caractérisera un crime, un délit ou une contravention.
Certains délits sont spécifiques à certaines formes de société tels que l’abus de bien sociaux pour les SA et les SARL (articles L241-2 à L241-9 Code de commerce).
Quelles types de fautes peuvent mettre en cause la responsabilité pénale du dirigeant ?
- les faux en écriture (article 441-1 du Code pénal)
- l‘abus de confiance (article 314-1 du Code pénal)
- l’escroquerie (article 313-1 du Code pénal)
- Les infractions liées aux comptes annuels (articles L 241-3 et L. 242-6 2° du code de commerce)
- délit de banqueroute (article L654-3 du Code de commerce)
- Le non paiement des cotisations sociales (articles R. 244-4 à R.244-6 du Code de la sécurité sociale)
- Les cas de fraude au droit fiscal (article 1741 du Code général des impôts).
Le cas particulier de la responsabilité du dirigeant du fait d’infractions commises par ses préposés
Un chef d’entreprise peut engager sa responsabilité pénale lorsque l’un de ses préposés à commis une infraction pénale.
En effet, le chef d’entreprise est le premier concerné par les agissements de ses employés et doit à ce titre toujours être vigilant quant aux comportements de ces derniers c’est pourquoi en cas de faute commise par un préposé, le dirigeant est présumé avoir été négligeant et imprudent dans sa surveillance (article 121-3 du Code pénal).
Toutefois, il est possible pour le dirigeant de s’exonérer de sa responsabilité dans deux hypothèses :
- la faute exclusive de la victime et
- la délégation de pouvoir.
Dans le premier cas, la responsabilité pénale du dirigeant ne peut être engagée puisque la victime a joué un rôle prédominant dans la survenance de l’événement constituant l’infraction.
Dans le second cas, la délégation de pouvoir entraîne un transfert de la responsabilité pénale du dirigeant au délégataire. Ce sont les statuts qui doivent préciser les conditions de cette délégation de pouvoir du dirigeant vers le délégataire (préposé) car toute délégation de pouvoir n’entraînera pas forcément la totale exonération du dirigeant.
Textes et sources officiels
- Cass. com., 20 mai 2003, Bull. IV, n° 84
- article 441-1 du Code pénal
- article 314-1 du Code pénal
- article 313-1 du Code pénal
- articles L 241-3 et L. 242-6 2° du code de commerce
- article L654-3 du Code de commerce
- articles R. 244-4 à R.244-6 du Code de la sécurité sociale
- article 1741 du Code général des impôts
- article 121-3 du Code pénal