Le freelancing dans la tech a longtemps été synonyme de liberté : choisir ses clients, fixer son tarif, gérer son emploi du temps. Mais ces dernières années, une autre variable s’est imposée dans l’équation : l’éthique. Faut-il privilégier des missions qui ont du sens ou maximiser ses revenus ? Est-on condamné à arbitrer entre conviction et rentabilité ? Décryptage d’un dilemme qui agite de plus en plus la communauté freelance.
L’éthique en freelance : une vraie question ou un luxe ?
Le débat n’est pas nouveau, mais il prend une ampleur inédite avec la montée en puissance des préoccupations environnementales, sociales et sociétales. De plus en plus de freelances tech s’interrogent sur l’impact des projets auxquels ils contribuent.
Refuser une mission pour des raisons éthiques peut être perçu comme un acte engagé… ou comme un privilège réservé à ceux qui n’ont pas besoin de courir après les missions. Entre ceux qui refusent catégoriquement de travailler pour certaines industries (pétrole, tabac, armement, jeux d’argent) et ceux qui acceptent d’y voir une opportunité de faire bouger les lignes de l’intérieur, les positions divergent.
Un développeur qui travaille sur un algorithme optimisant le trading à haute fréquence ou sur une plateforme de paris en ligne contribue-t-il à une dérive du système ? Un expert DevOps qui participe à un projet cloud ultra-consommateur d’énergie doit-il s’en inquiéter ? Les freelances tech ont aujourd’hui le choix, mais le luxe de choisir est inégalement réparti.
L’attrait du cash : opportunisme ou simple pragmatisme ?
L’autre réalité du freelancing, c’est que tout le monde n’a pas la possibilité de refuser une mission bien payée sous prétexte qu’elle ne coche pas toutes les cases d’une éthique parfaite. Contrairement aux salariés, les indépendants n’ont pas de garantie de revenus, pas de chômage et des périodes creuses à anticiper.
Dans ce contexte, difficile de blâmer ceux qui priorisent la rentabilité. Certaines entreprises offrent des TJM très attractifs pour des missions tech à forte demande, notamment dans la finance, les cryptos, ou encore l’optimisation publicitaire. Pour beaucoup, accepter ces opportunités relève moins d’une absence de convictions que d’une gestion rationnelle de leur activité.
D’ailleurs, est-ce vraiment incompatible ? Gagner bien sa vie en freelance ne signifie pas pour autant ne pas avoir d’éthique. Certains choisissent une approche hybride : accepter des missions très bien rémunérées pour financer, en parallèle, des projets qui ont du sens (open source, associations, startups à impact).
Le marché évolue : et si on pouvait concilier les deux ?
Les entreprises elles-mêmes commencent à s’adapter aux nouvelles attentes des freelances. De plus en plus d’acteurs de la tech mettent en avant leurs engagements RSE pour attirer les talents.
Par ailleurs, des plateformes émergent pour connecter les indépendants avec des projets à impact positif. La tech for good n’est plus une niche : des secteurs comme la greentech, l’économie circulaire, la cybersécurité éthique ou encore l’éducation numérique cherchent activement des experts.
La réalité, c’est que le débat ne se limite pas à un choix binaire entre argent et éthique. Il existe des missions bien rémunérées dans des secteurs vertueux. La vraie difficulté, pour un freelance, est de les identifier et de se positionner dessus avant qu’elles ne soient accaparées par d’autres talents.
Conclusion : un arbitrage à géométrie variable
En freelance, l’éthique et le cash ne sont pas toujours incompatibles, mais leur équilibre dépend du moment de la carrière, du contexte personnel et des opportunités du marché. Certains pourront se permettre d’être exigeants dès le départ, d’autres devront attendre d’avoir une trésorerie confortable avant de trier leurs clients.
Plutôt que de poser la question en termes de choix définitif, il est sans doute plus pertinent de se demander : jusqu’où suis-je prêt à aller pour aligner mon travail avec mes valeurs ?
Et vous, où placez-vous le curseur entre éthique et rentabilité ?