Flexibilité, charges réduites, adaptabilité : tous ces atouts ont fini par convaincre les entreprises de s’intéresser davantage à l’achat de prestations intellectuelles.
Ce type de contrat permet d’appliquer un tarif adapté pour les entreprises, car l’intervention d’un expert est limité dans le temps. D’autre part, la flexibilité dans les modalités d’exécution de la prestation est davantage adaptée à un contexte économique en perpétuel mouvement.
Les achats de prestations intellectuelles illustrent bien ce recours croissant à l’externalisation, puisque leur part dans les postes de dépenses des entreprises ne cesse d’augmenter ces dernières années.
L’achat de prestations intellectuelles présente également des risques juridiques qu’il ne faut pas négliger.
Nous vous présentons dans cet article la notion de prestations intellectuelles et comment y avoir recours.
Des compétences intellectuelles au service des entreprises
La singularité des prestations intellectuelles réside dans l’immatérialité de la notion. En effet, une prestation intellectuelle n’est pas tangible. Elle représente une compétence intellectuelle, une expertise dont l’origine est le savoir-faire d’une personne physique.
Les prestations intellectuelles ne sont pas définies clairement par les textes de loi, mais la notion est entendue comme des missions immatérielles utilisant la créativité, des connaissances et des savoir-faire spécifiques dans un domaine. Les prestations intellectuelles se différencient donc des ventes de marchandises.
Concrètement, l’achat de prestations intellectuelles se développe de plus en plus dans :
- les domaines de la formation ;
- les études et audits ;
- la maîtrise d’œuvre ;
- l’informatique ;
- l’architecture ou l’ingénierie technique ;
- etc.
Les risques juridiques
Comme tout poste de dépense dans une entreprise, l’achat de prestations intellectuelles comporte aussi son lot de risques.
En effet, l’achat de prestations intellectuelles peut être le terrain fertile du délit marchandage et du prêt de main-d’œuvre illicite ainsi que du travail dissimulé et de la situation illégale d’abus de dépendance économique.
Ces différentes situations illégales peuvent émerger de façon discrète, sans que les clients et les prestataires ne s’en aperçoivent vraiment.
Cependant, certains de ces délits peuvent être constitués en raison d’une volonté des parties de contourner volontairement les dispositions légales.
Revenons brièvement sur ces différents délits pour mieux les comprendre.
Tout d’abord, le délit de prêt de main-d’œuvre illicite est la situation dans laquelle une “opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre ” est mise en place (article L. 8241-1 du Code du travail). En d’autres termes, le délit de prêt de main d’œuvre illicite est constitué lorsqu’une entreprise :
- « prête » une main d’œuvre, par exemple un de ses salariés à une autre entreprise ;
- le contrat prévoit uniquement le prêt de main-d’œuvre ;
- ce prêt de main d’œuvre a un but uniquement lucratif.
Le délit de marchandage quand à lui est souvent associé au délit de prêt de main-d’œuvre illicite. Toutefois, le Code du travail le définit distinctement comme une “opération à but lucratif de fourniture de main d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail ” (article L. 8231-1 du Code du travail).
Plusieurs indices sont utilisés par le juge afin de déceler si l’un de ces délits est caractérisé, dont notamment celui du transfert du lien de subordination juridique.
Dans le cas d’une entreprise mettant à disposition d’une autre entreprise l’un de ses salariés pour réaliser des prestations intellectuelles, il peut arriver que l’entreprise utilisatrice et le salarié prêté se comportent tel un employeur et son salarié. Or, il n’y a aucun lien de subordination juridique direct entre eux puisque l’entreprise utilisatrice n’est pas l’employeur du salarié prêté.
Si le salarié prêté est soumis aux directives de l’entreprise utilisatrice, il est assimilé au personnel de cette dernière ce qui peut entraîner la caractérisation des délits de marchandage et prêt de main-d’œuvre illicite.
Cette situation de fait peut ainsi être constitutive d’un travail dissimulé et d’une requalification du contrat de mise à disposition en contrat de travail entre le salarié prêté et l’entreprise utilisatrice.
La situation révèle donc une « fausse sous-traitance” dissimulée derrière un contrat de mise à disposition.
Pour mémoire, le travail dissimulé est puni de 3 ans d’emprisonnement et d’une amende de 45 000 €. En cas d’emploi dissimulé d’un mineur soumis à l’obligation scolaire, les peines encourues sont de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende (article L8224-1 et article L8224-2 Code du travail).
Il faut enfin mentionner le risque de dépendance économique souvent existant dans le cadre d’un contrat commercial.
La dépendance économique est définie par la jurisprudence comme “ l’impossibilité de substituer à son donneur d’ordres un ou plusieurs autres donneurs d’ordres, lui permettant de fonctionner dans des conditions techniques et économiques comparables.” (Cour de cassation chambre commerciale 12 février 2013 N° de pourvoi: 12-13603).
Autrement dit, le partenaire commercial (freelance ou entreprise) doit pouvoir diversifier sa clientèle et ne pas être contraint de travailler pour le compte d’un seul client.
Les relations contractuelles relatives à l’achat de prestations intellectuelles n’échappent pas à ce risque. Les entreprises clientes y ayant recours doivent donc s’assurer qu’elles ne monopolisent pas l’activité économique du prestataire.
Achat de prestations intellectuelles : quel type de contrat ?
Afin de ne pas s’exposer inutilement à des délits juridiques de travail dissimulé, la contractualisation des prestations intellectuelles est primordiale.
En effet, les dispositions du contrat permettent notamment de déterminer :
- l’objet du contrat ;
- la durée et les modalités de rupture du contrat ;
- l’identité et le rôle des parties au contrat (freelance, sous-traitant, donneur d’ordre..) ;
- les tâches et missions à exécuter par le prestataire ;
- le prix de la prestation négocié par les parties ;
- les conditions d’exécution du contrat de prestation afin d’exclure toute hypothèse de délit de marchandage, de prêt de main-d’œuvre illicite, etc. ;
- la nature de l’obligation du prestataire (obligation de moyen ou obligation de résultat).
Un cahier des charges peut être annexé au contrat de prestations intellectuelles. Ce cahier des charges permettra au prestataire de connaître l’étendue de sa mission et les moyens dont il dispose.
Rappelons enfin que le donneur d’ordre (entreprise cliente) doit toujours vérifier que son cocontractant (ex. : un freelance) est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement des cotisations auprès de l’URSSAF pour tout contrat d’un montant minimum de 5 000 euros hors taxes.
Textes officiels et sources
- article L. 8241-1 du Code du travail
- article L. 8231-1 du Code du travail
- article L8221-5 du Code du travail
- Cour de cassation chambre commerciale 12 février 2013 N° de pourvoi: 12-13603
- article L8222-1 du Code du travail.