Tout type de contrat de travail ne respecte pas forcément les dispositions du Code du travail. En outre, certaines formes de contrat de travail ne présentent pas aux premiers abords l’apparence de travail illégal, et pourtant… Le délit de marchandage par exemple peut être reproché à une entreprise sans qu’elle manifeste la volonté de s’écarter des dispositions du droit du travail.
Comment éviter de tomber sous le coup de la loi ? Qu’est-ce que le délit de marchandage ? Réponses dans cet article…
Comment est définit le délit de marchandage ?
Le marchandage désigne une forme de travail illégal qui fait l’objet de sanctions prévues par le Code du travail.
Lorsqu’une entreprise met ses salariés à disposition d’une autre entreprise, il arrive que les droits des salariés prêtés ne soient pas respectés. Ces salariés peuvent devenir malgré eux dans les faits des salariés de l’entreprise utilisatrice. De ce fait, la législation sociale n’est également pas respectée.
En pratique, le marchandage présente un intérêt économique pour les acteurs de l’opération, puisque ces derniers retirent un gain financier directement lié à ce prêt de main-d’œuvre.
Plusieurs critères caractérisent le marchandage comme :
- une mise à disposition des salariés entrainant un transfert du lien de subordination ;
- le non-respect de la législation sociale ;
- le préjudice subi par les salariés faisant l’objet du prêt de main d’œuvre.
Le marchandage est donc constitutif d’un délit.
Bien que les avantages de la sous-traitance soient nombreux, les risques juridiques sont élevés quant à la qualification d’un délit de marchandage.
Pourquoi le marchandage peut être un délit ?
Le Code du travail définit le délit de marchandage à l’article L.8231-1 Code du travail, mettant en lumière les deux principaux objectifs de la sanction de ce délit :
- protéger les droits des salariés mis à disposition ;
- respecter la législation sociale en vigueur.
Une protection des droits des salariés
Pour rappel, l’article L8231-1 du Code du travail définit le délit de marchandage comme “ Toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne (….) ”
L’employeur qui met ses salariés à disposition d’un autre employeur ne doit donc pas causer de dommages aux salariés.
Il faut comprendre que les salariés mis à disposition ne doivent pas subir une perte de salaire, une perte d’avantages sociaux ou faire l’objet d’une discrimination de quelque nature qu’elle soit en raison de leur mise à disposition. Les droits des salariés doivent être préservés lors de la mise à disposition.
Le respect de la législation sociale
Le délit de marchandage peut également avoir pour objectif “ (…) d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit. “
Autrement dit, la mise à disposition des salariés est réalisée afin de ne pas appliquer volontairement la législation sociale (légale ou conventionnelle), ce qui entraîne la qualification du délit de marchandage.
Les éléments constitutifs du délit de marchandage
Le juge retient la qualification de délit de marchandage si la fourniture de main d’œuvre génère :
- un transfert du lien de subordination ;
- un intérêt financier pour les entreprises ;
- des conséquences négatives pour les droits des salariés ;
- la non-application de la loi.
Il faut relever que l’article décrit deux situations différentes qui peuvent être cumulatives ou exclusives pour caractériser le délit.
En effet, le délit de marchandage peut être constitué s’il cause un préjudice au salarié et s’il révèle la non-application volontaire de la législation sociale. À noter que l’une des deux conditions suffit à caractériser l’infraction.
Qu’est ce qu’une mise à disposition légale ?
La mise à disposition du personnel est une opération juridique permettant à une entreprise de prêter un ou des salariés à une autre entreprise pour une durée préalablement définie. Le “prêt” est donc temporaire. En outre, cette mise à disposition tend à pallier à un manque de compétence au sein de l’entreprise utilisatrice et ne vise pas un intérêt financier.
Par conséquent, cette opération juridique suppose que le salarié continue d’être sous la direction de son employeur initial. Le lien de subordination initial est donc “intransférable”.
Aussi, la jurisprudence a rappelé que le prêt de main d’œuvre est autorisé lorsqu’il n’est que la conséquence nécessaire de la transmission d’un savoir faire ou de la mise en œuvre d’une technicité qui relève de la spécificité propre de l’entreprise prêteuse (Cass. soc. n° 91-40222 du 9 juin 1993 SOTRALENTZ)
De même, la mise à disposition de salariés compétents pour réaliser des prestations informatiques nécessitant une expertise particulière et rendant compte régulièrement à l’employeur initial, constitue une mise à disposition légale (Cass. soc. n° 12-19942 du 4 décembre 2013 NOMAD NETCOM ).
Comment identifier le but lucratif de la mise à disposition ?
La jurisprudence identifie le caractère lucratif de la mise à disposition dans de nombreuses situations. Généralement, le but lucratif d’une mise à disposition est facilement détectable par le juge.
Ainsi, l’entreprise utilisatrice qui ne supporte ni les salaires, ni les charges sociales avait un but lucratif dans le cadre de la mise à disposition des salariés (Cass. crim n° 92-83381 du 23 mars 1993 ANADON).
De même, la Cour de cassation considère que de simples factures suffisent à démontrer le but lucratif d’une mise à disposition de salariés (Cass. crim. n° 99-85485 du 16 mai 2000 POULAIN).
En revanche, il n’y a pas de but lucratif lorsque la mise à disposition de personnel, qui se fait par une association reconnue d’utilité publique, par nature incompatible avec la recherche de bénéfices, et poursuivant un but d’économie des dépenses publiques de santé visant à rationaliser les moyens de fonctionnement des services hospitaliers de manière à pérenniser ses activités (Cass. soc. n° 02-14680 du 1er avril 2003 CROIX ROUGE FRANCAISE).
Le préjudice causé au salarié
Le préjudice subi par le salarié mis à disposition peut découler :
- d’une inégalité salariale due à cette mise à disposition ou ;
- de la perte d’avantages auxquels le salarié aurait dû avoir droit.
À titre d’exemple, lorsque les salariés mis à disposition n’ont pas perçu les mêmes avantages que les salariés permanents le délit de marchandage est constitué (Cass. crim., 20 oct. 1992, n° 91-86.835).
En outre, lorsque la sous-traitance entraîne l’absence de garanties contre le licenciement des salariés, la suppression de leur ancienneté ou encore la perception d’un salaire inférieur au minima de la convention collective de l’entreprise utilisatrice, le juge retient la qualification du délit de marchandage (Cass. crim., 25 avr. 1989, n° 88-84.222 ; et n° 87-81.212).
Enfin, les salariés n’ayant pas pu bénéficier des mêmes avantages que ceux des salariés de l’entreprise utilisatrice, révèle la commission du délit de marchandage (Cass crim, 23 juin 1987 n° 85-95.585, Cass crim 12 mai 1998, n° 96-86.479).
Les sanctions encourues
Les sanctions du délit de marchandage s’appliquent à l’entreprise prêteuse et à l’entreprise utilisatrice en tant que co-auteur de l’infraction.
Le délit de marchandage est puni de 2 ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros.
Ces peines peuvent être portées à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende ou 10 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.
Par ailleurs, le délit peut s’assortir d’une peine complémentaire d’interdiction de sous-traiter de la main d’œuvre pour une durée allant de 2 à 10 ans.
Enfin, le juge pénal peut ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, aux frais de la personne condamnée, dans les conditions fixées par l’article 131-35 du Code pénal (article L. 8234-1 Code du travail).
Textes officiels et sources :
- Article L8231-1 du Code du travail
- Cass. soc. n° 91-40222 du 9 juin 1993 SOTRALENTZ
- Cass. soc. n° 12-19942 du 4 décembre 2013 NOMAD NETCOM
- Cass. crim n° 92-83381 du 23 mars 1993 ANADON
- Cass. crim. n° 99-85485 du 16 mai 2000 POULAIN
- Cass. soc. n° 02-14680 du 1er avril 2003 CROIX ROUGE FRANCAISE
- Cass. crim., 20 oct. 1992, n° 91-86.835
- Cass. crim., 25 avr. 1989, n° 88-84.222 ; et n° 87-81.212
- Cass crim, 23 juin 1987 n° 85-95.585,
- Cass crim 12 mai 1998, n° 96-86.479